De la guerre économique à l’économie de guerre

Gérard Le PuillTandis que Donald Trump assure vouloir renforcer l’économie américaine en augmentant les tarifs douaniers sur les importations, le président Macron et la Commission européenne donnent la priorité à la production et aux importations d’armes de guerre. Au point d’occulter totalement la lutte contre le réchauffement climatique en cours, sans parler du recul de ... Lire la suite

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Gérard Le Puill Tandis que Donald Trump assure vouloir renforcer l’économie américaine en augmentant les tarifs douaniers sur les importations, le président Macron et la Commission européenne donnent la priorité à la production et aux importations d’armes de guerre. Au point d’occulter totalement la lutte contre le réchauffement climatique en cours, sans parler du recul de la protection sociale. Il est difficile de mesurer pour l’instant les multiples conséquences des augmentations de tarifs douaniers annoncés par Donald Trump sur les produits agricoles et industriels importés par les États-Unis.

Alors que son pays est le premier producteur mondial de maïs, dont 85% de la production sert à nourrir le bétail américain et à produire des carburants, le prix de la tonne de maïs y a baissé de 11% à la bourse de Chicago sur deux semaines en raison de la baisse des débouchés à l’exportation. Victime de taxes douanières sur certains des ses produits industriels exportés aux États-Unis, la Chine a restreint ses importations de maïs américain, au profit de l’Amérique du sud. Le Canada et le Mexique ont réagi de la même manière contre certaines exportations américaines suite à la taxation de certains de leurs produits.



Si elle devient effective, la mise en place d’une taxe douanière de 200% annoncée par Donald Trump sur les vins et les spiritueux européens importés par les États-Unis aura des conséquences catastrophiques pour les exportateurs français. Cette annonce fut la riposte du président des États-Unis à celle faite par la Commission européenne de taxer le bourbon produit aux Etats-Unis à 50%, si les exportations d’acier et d’aluminium de l’Europe aux Etats-Unis étaient effectivement taxées à 25%. Il faut ici savoir que les Français boivent de moins en moins de spiritueux à commencer par le cognac.

Du coup, 97% de la production française est exportée, essentiellement en Chine et aux Etats-Unis. Mais nos exportations en Chine ont reculé de 60% ces derniers mois. La Chine a taxé à 60% des eaux de vie européennes en riposte à d’autres mesures prises Europe pour freiner ses exportations de voitures et aux biens sur le vieux continent.

Indignation chez nos producteurs de vins et spiritueux En 2023, la France aurait exporté pour 3,6 milliards d’euros de vins et spiritueux aux Etats-Unis. Cités dans « Le Figaro » du 21 mars, des professionnels de la filière du cognac tenaient des propos teintés d’angoisse et de désespoir dont voici quelques extraits: « 70% de notre business est en jeu, c’est la vie d’une région. On doit nous écouter, sinon c’est la mort assurée de la filière.

70.000 personnes vont se retrouver au chômage. Nous sommes les otages inutiles d’une guerre qui nous dépasse.

Nous en appelons au chef de l’Etat, au chef du gouvernement, il est de leur responsabilité de sauver notre économie, nos emplois ». D’une façon plus générale, l’indignation des professionnels du vin et des spiritueux est grande concernant la maladresse commise par la Commission européenne en annonçant vouloir taxer le bourbon à 50%. L’angoisse est également vive en Italie.

Les exportations de vins italiens aux Etats-Unis ont presque triplé en vingt ans et atteignent désormais 22,7% des volumes exportés, contre 18,4% pour la France. Rien ne prouve que l’économie américaine sortira gagnante de la mise en place de tous ces droits de douane si elle devient effective. En Europe, Elon Musk, a vu chuter de 49% les ventes de voitures électrique de la marque Tesla en janvier et février de cette année.

Dans le Michigan, le président de la chambre de commerce de Détroit, Sandy Baruah, déclarait voilà quelques jours que « la guerre douanière a un impact disproportionné sur les entreprises et les employés que nous représentons, que ce soit pour l’agriculture ou pour l’industrie automobile ». Taxes américaines et spéculation sur le cuivre À propos de l’aluminium importé du Canada et désormais taxé à 25% pour entrer aux États-Unis, Sandy Baruah ajoutait : « Prenons l’exemple de l’aluminium pour lequel le Canada a un avantage comparatif en termes de matières premières et d’énergie bon marché. Il faudrait au minimum trois ans pour mettre sur pied la production d’aluminium en étant exagérément optimiste.

Et que se passerait-il pendant ce temps-là? On a des pièces dans la construction automobile qui ne cessent de franchir la frontière, jusqu’à douze fois pour certaines. Comment les marques américaines pourraient-elles résister à des hausses de coûts de production et donc à des baisses de bénéfices ? Et que dire des ouvriers, qui seraient les premiers touchés ? ». Le sort des ouvriers américains n’est pas le premier souci de l’actuel président des Etats-Unis.

A la fin du mois de février, il avait demandé à des collaborateurs s’il convenait de taxer les importations de cuivre pour augmenter l’extraction dans le sous-sol américain afin de réduire la dépendance du pays en métal rouge. Depuis cette date, le prix du cuivre sur le marché à terme de New-York a augmenté de 30%, contre 15,3% à Londres. Selon Alan Bush, analyste chez ADM Investors, « les États-Unis importent près de la moitié de leur cuivre ».

Du coup, des négociants ont augmenté leurs achats de cuivre d’importation en vue de répondre à la demande des industriels américain avant la possible mise en place d’une hausse de 25% des tarifs douaniers sur le cuivre importé. Cette augmentation de la demande a fait monter les prix. Voilà encore de quoi faire grimper le prix de vente des voitures neuves aux États-Unis.

Notons enfin que les règles de l’Organisation Mondiale du Commercial (OMC) furent mises en place en janvier 1995. Depuis, les pays qui avaient souvent de bonnes raisons de ne pas s’y soumettre étaient souvent menacés de sanctions financières. Mais il ne se passe rien de tel aujourd’hui concernant les déclarations et les décisions de Donald Trump.

Notons enfin qu’avec la priorité donnée aux investissements dans l’Europe des 27 pour la production d’armes de guerre destinées à l’Ukraine, la protection sociale des peuples est appelée à reculer, tandis que la lutte contre le réchauffement climatique en cours d’accélération est totalement occultée..